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L’invisibilité galopante, c’est sournois.

Printemps 2019. Je me suis cassé l’épaule vers 22 h 30, l’ambulance m’amène à quelques minutes du lieu de l’accident, à l’hôpital XYZ, dans le territoire de ma chute, voisin du mien. Le personnel prend des radiographie. On m’inscris pour la nuit, non sans m’avoir suggéré de partir et de me faire soigner dans mon coin. On m’avertît que leurs orthopédistes seront là seulement le lendemain matin. Après quelques palabres, on m’installe, on me donne qqchose contre la douleur, et ma civière est remisée avec les autres, qui, comme moi, sont en attente… de soins.


Le matin suivant, une balade en chaise roulante m’amène dans un cubicule où un jeune assistant me reçoit. Devant moi, un écran nous montre mon épaule accidentée. Plus tard, quelqu’un entre, passe sans s’arrêter devant moi, se place directo à l’écran, dos à moi, et s’adresse au stagiaire : « La patiente a 72 ans, on ne l’opérera pas, et… » et je réagis, autant parce que je ne croyais pas être devenue invisible dans la nuit, que pour les paroles de l’orthopédiste, car c’en était un, et je l’apostrophe ainsi : « Aïe, je ne suis pas assise dans mon coin, incapable de bouger, je suis encore très active, vous saurez et … » il daigne enfin réaliser ma présence, se tourne vers moi, ajoute, en bafouillant : « …que c’est pas certain que l’opération est une solution, c’est à cheval sur la ligne… faudra venir prendre des radiographies toutes les semaines durant 6 semaines, ensuite… » Er on me retourne chez moi, avec une attelle… Commence alors le suivi où je verrai un orthopédiste différent à chaque rencontre, après de nouvelles radiographies. Et le temps passe.

Le jour de la dernière visite au service, un autre orthopédiste vient signer mon congé de l’hop XYZ, après avoir commenté ainsi sa lecture rapide de mon dossier. « Bon… bien… on n’a pas opéré… c’était mieux ainsi... Votre épaule a bien repris… vous avez toutefois le bras un peu plus court. » et il ferme mon dossier, souriant, et, avec le geste correspondant : « Vous aurez juste un peu de difficulté à vous coiffer ! » et il me salut, me souhaitant probablement de bien me porter, mais je ne me souviens pas de ses derniers mots, car je suis à essayer de digérer sa désinvolture et ses paroles.

Depuis, grâce à des exercices suggérés par ma chiropraticienne, ma ténacité à les exécuter et ma créativité qui me permet de me trouver des trucs pour compenser tous les mouvements où je suis « mécaniquement limitée », on peut dire que je fonctionne. Une chance qu’aux yeux de mon merveilleux conjoint je ne suis pas invisible, car il m’assiste aux endroits maintenant inaccessibles pour mes bras et rotations d’épaules (toujours sources de douleurs…)


Je travaille encore à ne pas laisser le doute suivant m’envahir, surtout les mauvais jours où mon épaule m’arrête dans mes projets : Qu´aurait fait cet orthopédiste si j’avais eu, mettons… 52 ans au lieu de 72, et aussi, si j´avais été de sexe masculin ? ? Rendue à 75 ans, je laisse cette double question en l’air, lui tourne le dos, et m’aligne sur ce que je peux encore faire, avec toujours l’avant bras accoudé (ou accoté) quelque part pour travailler… Je divise donc mes occupations en périodes de 45 minutes, pour alléger mon corps et moins le fatiguer, pour vivre ACTIVE encore longtemps. VIVE LA VIE ! !

La consultation a pris fin